En amont de la Journée dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, célébrée tous les ans depuis 2005, le 27 janvier, jour de la libération d’Auschwitz, les survivants d’Auschwitz mettent en garde contre une ritualisation et une banalisation croissantes de la mémoire au vu du développement de la Realpolitik dans de nombreux pays européens.

Les survivants constatent que l’extrême droite défie les sociétés actuelles de manière nouvelle et massive, ce qui oblige les acteurs politiques, et pas uniquement ces derniers, à réévaluer leurs expériences politiques actuelles en ce qui concerne les évolutions historiques et la mémoire des survivants.

Précisément cette année, la journée de la commémoration n’est pas uniquement, aux yeux des survivants de l’Holocauste, une journée de la commémoration des crimes de l’Allemagne nazie, des conséquences criminelles de l’antisémitisme et de la perte de leurs familles. Elle est également la journée qui s’enfonce comme un dard dans le monde d’aujourd’hui et qui montre à quel point l’antisémitisme, la haine et l’intolérance marquent de nouveau, depuis longtemps, de manière similaire et dangereuse, la vie sociale au quotidien – notamment chez les jeunes.

À ce propos, le vice-président exécutif du Comité international d’Auschwitz, Christoph Heubner, a souligné ce qui suit, à Berlin :

« Il est grand temps, précisément dans ce contexte, de commémorer non seulement le passé mais également le présent. Dans ces dernières années de leur vie, les survivants se sentent souvent privés de leur mémoire et avant tout de leurs expériences. Ils ont essayé pendant des décennies, dans de nombreux pays, en tant que témoins du passé, de faire, des jeunes surtout, des démocrates engagés et de les mettre en garde contre l’homophobie, l’antisémitisme, l’intolérance et l’arrogance nationaliste. Voilà pourquoi le projet et l’idée de l’Europe ont toujours été, pour les survivants, une réponse majeure à leurs propres expériences mortelles et à l’histoire sanglante de l’Europe. La pensée passéiste empoisonnée qui se traduit par une étroitesse d’esprit nationale, une agressivité envers les réfugiés et un poison récurrent de l’antisémitisme qui hantent en ces jours les sociétés, en Allemagne et dans d’autres pays européens, montre, qu’un regard dans le miroir fait également partie de ce jour de commémoration : où en sommes-nous aujourd’hui, où cela nous mène-t-il ?

Dans de nombreux pays européens, on peut observer quotidiennement que ledit populisme de droite tente depuis longtemps, de manière pathologique, de déstabiliser les parlements, les médias et les institutions démocratiques, de l’intérieur comme de l’extérieur, et de les livrer au mépris des citoyens. Tous les jours, ces forces attaquent grossièrement et cyniquement la cohésion et la dignité d’une société et répandent dans le peuple l’appel à l’agressivité, l’exclusion et la résistance. En 2018, pour les survivants d’Auschwitz, tout cela est amer et menaçant.

C’est pourquoi, en ces jours, leur regard endeuillé et inquiet ne se retourne pas uniquement vers leur propre histoire mais se dirige avant tout vers le présent et l’avenir. Les survivants sont reconnaissants aux personnes qui, lors de si nombreuses cérémonies à l’occasion de la libération d’Auschwitz, commémorent leur histoire et celles de leurs familles juives assassinées. Mais ils associent également à cette commémoration la requête urgente suivante : dirigez également votre regard vers votre présent et votre avenir. La démocratie a besoin de vous, en ce moment précis. »