CIA :: Comité International d'Auschwitz

Stauffenbergstraße 13/14
10785 Berlin
Allemagne

Téléphone: ++ 49 (030) 26 39 26 81
Télécopie: ++ 49 (030) 26 39 26 83

URI: https://www.auschwitz.info/

Navigation par les services:
 
Navigation par les langues:
 
Navigation par les langues:
 
 
 
 
18.02.2022

Hommage à Władysław Bartoszewski par Marian Turski

 
 
Władysław Bartoszewski. Photo : https://dzieje.pl TSCHÜSS. Grygiel

Władysław Bartoszewski. Photo : https://dzieje.pl TSCHÜSS. Grygiel

 

 

 

Wladyslaw Bartoszewski aurait eu 100 ans le 19 février. Avec son hommage à Władysław Bartoszewski, Marian Turski rend hommage au survivant d'Auschwitz et au grand homme d'État polonais.

Parmi les survivants d’Auschwitz et d’autres camps de concentration, il existe quelques noms qui ont particulièrement contribué à la préservation de la mémoire historique de « l’ère du mépris ». Sans nul doute, Władysław Bartoszewski fait partie de ces noms. Prisonnier à Auschwitz, résistant, prisonnier pendant l’ère stalinienne, ministre des affaires étrangères de la République de Pologne après la chute du mur de Berlin, président du Conseil international d’Auschwitz auprès du 1er ministre polonais, auteur de plusieurs douzaines de recueils dont des œuvres historiques et des mémoires.

Heinrich Böll a décrit autrefois Władysław Bartoszewski comme étant « polonais par ferveur et passion, catholique par ferveur et passion, humaniste par ferveur et passion. » C’était une estimation très pertinente.

Bartoszewski naquit il y a exactement 100 ans, le 19 février 1922, à Varsovie. Il passa son baccalauréat dans un lycée catholique, en été 1939, à la veille du déclanchement de la Seconde Guerre mondiale. Au printemps 1940, il fut embauché par la Croix-Rouge polonaise. Cette activité toutefois ne contribua pas à le protéger des rafles dans la rue. Il fut arrêté et arriva à Auschwitz après le 20 septembre 1940. Le premier appel lui resta en mémoire. Plusieurs Kapos sortirent un homme du rang et le frappèrent avec des matraques en bois. « Il tomba. Ils se mirent à le piétiner. Et nous étions là debout, sans dire un mot, avec des yeux qui ne voyaient pas. Personne ne bougea (…) ».

Quelques mois plus tard, sa propre vie fut en danger. Mais sa carte d’employé de la Croix-Rouge produisit là encore son effet. De temps en temps, les nazis libéraient des petits groupes de prisonniers d’Auschwitz. En avril 1941, Bartoszewski fit également partie d’un tel groupe. Quatre ans plus tard, Bartoszewski écrivait : « Les conditions dans lesquelles j’ai dû passer toute ma jeunesse (…) m’ont ôté la possibilité d’hésiter. Je n’avais qu’une seule option : soit j’accepte quelque chose que je considère comme étant le mal soit je refuse de l’accepter… ».

Sa première action consista à rédiger un récit sur le camp. Il écrivit, naturellement sous le couvert de l’anonymat, « Auschwitz. Pamiętnik więźnia » (« Auschwitz. Souvenirs d’un prisonnier ») – c’était le premier récit conspiratif sur la situation à Auschwitz. Il avait la chance ou peut-être faut-il plutôt dire : nous tous avions la chance que Władysław Bartoszewski, un fervent catholique, rencontre au confessionnal un prêtre merveilleux, le père Jan Zieja. C’était en été 1942, lors du début de la liquidation du ghetto de Varsovie. Il entendit le prêtre dire ceci : « Dieu voulait que tu survives. Et pourquoi ? Pour que tu sois le témoin de la vérité. Pour que, avec le savoir que le mal existe, tu puisses t’assurer que le bien existe. Autour de nous, il y a des gens qui souffrent. Il faut les aider. Ouvre les yeux. Regarde autour de toi. Sais-tu ce qui se passe au ghetto ? »

Et Bartoszewski prit ainsi sa deuxième décision. Il travailla pour le Conseil d’aide aux Juifs « Żegota », une institution de l’État clandestin polonais. Et après la guerre, au vu des pogromes antisémites en Pologne, il fut coorganisateur de la Ligue nationale de Pologne en faveur de la lutte contre le racisme.

Dans les années 60, le Mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, lui décerna le titre de Juste parmi les nations et donna son nom à un arbre ; Bartoszewski planta un deuxième arbre pour perpétuer la mémoire des mérites de l’organisation « Żegota ».

Un volume entier ne suffirait pas à contenir la biographie de Bartoszewski. Mais je souhaite attirer l’attention sur quelque chose qui pour nous, les anciens prisonniers d’Auschwitz, revêt un intérêt particulier. À la fin des années 80, tandis que la Pologne retrouvait sa souveraineté, Władysław Bartoszewski fut nommé président du Conseil international d’Auschwitz par le gouvernement polonais. Jadis, – conjointement avec un groupe trié sur le volet, dont je souhaite citer notamment son représentant, le Professeur Israel Gutman, curateur scientifique de Yad Vashem, lui-même également ancien prisonnier d’Auschwitz – Bartoszewski réalisa un travail gigantesque pour rétablir la vérité au sein de l’exposition principale du Mémorial d’Auschwitz-Birkenau. Pendant des décennies, des demi-vérités y furent diffusées, dont la plus importante consista à taire le fait que la très grande majorité des victimes étaient des Juifs. La devise préférée de Bartoszewski était la suivante : « La vérité n’est pas dans le juste milieu, elle est là où elle est. » Et il resta fidèle à cette devise.

Pour terminer, encore une maxime de Bartoszewski : « Si tu ne sais pas comment tu dois te comporter – comporte-toi correctement ». Il n’y a rien à ajouter.

Marian Turski

Président du Comité international d'Auschwitz
Survivant d'Auschwitz