Les survivants de l’Holocauste en Hongrie et dans de nombreux autres pays prennent congé, avec tristesse et gratitude, de leur grande compagne de route et d’infortune, Agnes Heller, décédée hier à l’âge de 90 ans. Agnes Heller a vécu les horreurs de l’Holocauste tant du côté allemand que du côté hongrois. Elle fut l’une des rares de sa famille, avec sa mère, à réussir à échapper aux déportations et aux chambres à gaz d’Auschwitz. Tous ses travaux philosophiques étaient basés sur l’intensité et la clarté de ces souvenirs. Jusqu'à un âge avancé, la philosophe, respectée dans le monde entier, fut victime de diffamations antisémites en Hongrie. Même à l’université, elle fut attaquée comme « n’appartenant pas à l’université » en raison de son origine juive.

À propos de sa mort, le vice-président exécutif du Comité international d’Auschwitz, Christoph Heubner, a souligné à Berlin ce qui suit :

« Toutes les diffamations n’ont pas effrayé Agnes Heller. Son regard sur le monde fut toujours à la fois réaliste et chargé d’espoir utopique. Le harcèlement populiste de tous les Orban de cette terre l’irritait et la révoltait profondément mais, pour elle, le silence ne fut jamais une option. Elle analysait la haine avec une clarté précise, alimentée par ses propres souvenirs de l’évolution du fascisme en Europe. Elle mettait en garde contre cette haine et contre l’indifférence face à cette haine. Agnes Heller, son empathie et son esprit critique et brillant vont nous manquer précisément en ces temps-ci. Nous lui sommes très reconnaissants. »