À propos de la mort de la survivante française d’Auschwitz, Liliane Badour-Esrail, le vice-président exécutif du Comité international d’Auschwitz, Christoph Heubner, a souligné à Berlin ce qui suit :

« C’est avec nostalgie, respect et gratitude que les survivants d’Auschwitz du monde entier font leurs adieux à une femme exceptionnelle et courageuse, à leur compagne de route et d’infortune, Liliane Badour-Esrail, décédée à Paris, le matin du 1er mai, à l’âge de 96 ans. Liliane et ses deux frères ont grandi à Biarritz, dans la maison de leurs grands-parents. Baptisés et élevés dans la foi catholique, ils n’étaient pas conscients de leur origine juive.

En février 1944, lorsque ses deux frères sont sur le point d’être emmenés pour être déportés, Liliane, alors âgée de 19 ans, insiste avec courage et ténacité pour les accompagner. Dans le camp de rassemblement de Drancy, en région parisienne, elle fait la connaissance de son futur époux, Raphaël Esrail, qui avait été arrêté en tant que membre juif de la Résistance et qui lui promet de s’occuper de ses deux frères pendant tout le temps où les prisonniers seront logés séparément selon leur sexe. Au bout de quelques jours, le transport reprend en direction d’Auschwitz : ses frères, René et Henri, sont assassinés dans les chambres à gaz immédiatement après leur arrivée au camp. Raphaël Esrail survit à Auschwitz. L’espoir de revoir Liliane le maintient en vie. Liliane aussi survit au camp. Elle est libérée le 2 mai 1945 par des troupes russes. Liliane et Raphaël se marient en 1948.

Liliane ne surmontera jamais la perte de ses frères à Auschwitz. Auschwitz restera une douleur motrice dans sa vie. Conjointement avec son époux Raphaël et d’autres survivants français d’Auschwitz, elle exercera une activité au sein de l’Union des Déportés d´Auschwitz et développera de nombreux projets pédagogiques et médiatiques pour les élèves, les professeurs et les étudiants. En tant que témoin du passé, elle ne cherchera jamais à être sur le devant de la scène mais, avec un courage qui lui était propre, surmontera toujours son silence pour trouver les mots qui expriment ce qu’elle a vécu à Auschwitz et ce qu’on a fait à ses frères. Elle touchait les jeunes et les moins jeunes en Allemagne et en France par le récit de l’horreur et par la tendresse et l’amour du prochain qui émanaient d’elle car elle ne voulait laisser publiquement aucune place à l’amertume et à la douleur.

En 2012, elle a été décorée de la croix de l’Ordre du mérite de la République fédérale d’Allemagne. Récemment, Raphaël Esrail a présenté l’édition allemande de ses souvenirs. Elle porte le titre ‹ Die Hoffnung auf einen Kuss. Auschwitz, Liliane und ich › (‹ L’espérance d’un baiser. Auschwitz, Liliane et moi ›). Sans Liliane, le monde s’est assombri. »